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Ainsi Va la Vie… épisode n° 128 « Belle riche et célèbre » Deuxième partie : L’AMOUR et le RIRE

 williams et le femme de dos copier (2).jpgEn observant les photos encadrées qui tapissaient les murs du hall d’entrée et l’arrière de son bureau où, en dehors de quelques  « Unes » de magazines télé et autres tabloïdes prestigieux ou people,  elle apparaissait aux bras de célébrités; si depuis toujours il savait la situer sur l’échelle du vedettariat, il lui lança sur un ton admiratif : 

- Tu es  vraiment une star !

Elle eut un temps d’arrêt, un regard en coin et un léger sourire avant de lui répondre.

- Non, pas une star ! Une vedette, une artiste connue et reconnue ; mais pas une star. Maryline, Sophia Loren, Brigitte Bardot, Elisabeth Taylor… sont des stars pas moi.

- Façon de voir les choses. Et les hommes à tes cotés sur ces photos ?

- A part lui et lui,  des connaissances qui se disent des amis et ne sont même pas de vrais copains. Mais c’est toujours glorifiant d’être en photo avec…

- Pour qui ?

- Certainement pour les deux. Et puis c’est le souvenir d’un évènement, d’un jour…

- T’as pas de photos avec tes parents, tes sœurs, des amis d’enfance, un fiancé que tu as profondément aimé ?

- Si !

- Pourquoi tu n’en affiches pas, dans la chambre, dans un cadre sur ton bureau ?

- Heu ! C’est vrai...

-  La famille c’est important non ? Meme si, même si... si rien n’est jamais parfait. Ton père, ta mère ton grand-père dont tu m’as tant parlé et que tu gardes pourtant prisonniers dans des albums…

- Tu as raison.

- Leur présence à travers une photo. Ce regard bienveillant qu’ils te porteraient comme s’ils te regardaient vivre. Comme si parfois, où qu’ils soient, ils pouvaient te voir, t’entendre répondre à des questions difficiles. Leur parler et malgré leur silence se sentir écoutée.

-Tu es croyant ?

Il ne répondit pas et son haussement d’épaules laissa pourtant entrevoir un peut-être.

- Toi ! Tu affiches des photos des tiens ?

- Oui. Toujours. Où que je sois. Chez moi, à l’hôtel, dans une loge je les dispose autour du miroir ou contre les murs de ma chambre. Ça m’aide à me sentir moins seul.

- Tu te sens seul ?

- On est toujours seul !

- Ça te rend triste ?

- Non.  J’ai l’habitude.

Elle se blottit contre sa poitrine.

- Même avec moi ?

- Non ! Pas avec toi. Mais dans la vie. La vie en général c’est pas toujours avec toi.

- Moi, grâce à toi, j’oublie la vie en général. Parce que  quel que soit le problème, l’idée que je vais te retrouver suspend tout. Je t’imagine, mon sourire revient et je me dis y’a rien de grave.

- Merci.

- Ne me remercie pas. C’est moi qui n’aie pas assez de merci…

 

Avec son vieil appareil kodak Instamatic il saisit l’instant. Et par un jeu de miroir il réussit à se prendre  avec elle au moment où elle se penchait pour l’embrasser. Captive du jeu des images et pour donner  plus de force  aux photos suivantes elle déboutonna sa chemise, l’ouvrit largement, l’embrassa sur les pectoraux en tournant son visage et son regard vers le sien. Ses yeux en captant la lumière qui s’immisçait par la fenêtre pétillaient. Cette position plus basse,  ce regard suppliant, ce sourire soumis, s’ils offraient l’image d’une situation de domination aggravée; grâce aux infimes inflexions de ses lèvres, à sa bouche légèrement entrouverte où l’émail de ses dents tranchait avec l'ombre de l’ouverture,  ses paupières langoureuses et l’appui de la beauté de son visage, trahissaient le contraire et une immense complicité.

Complices ils l’étaient en toutes circonstances ; des plus simples aux plus saugrenues

 

S’il acceptait de l’accompagner lors de diners chez des amis ou  d’être présent quand elle en recevait,   rares furent les fois où il apparut à ses cotés dans des soirées mondaines ou professionnelles, sauf de l’escorter. Ça ne l’ennuyait pas, mais il ne s’y trouvait pas à sa place. Il admirait l’artiste est n’aurait en rien entravé sa carrière bien au contraire et  si la femme et la vedette ne formaient qu’un ils avaient réussi dans la vie privée à dissocier les deux.

 

Il la faisait rire. Rire aux éclats.

- Tu sais pourquoi je te fais rire ? C’est très égoïste ! J’adore ton rire alors je le déclenche ; pour moi !

Mais elle aimait aussi le sien et en faisait tout autant sans lui avouer. Et comme leurs rires étaient communicatifs; s'ils  savaient quand ça commençait   Ils ignoraient quand ça finirait.

Et souvent ça finissait dans un jeu de mains jeu de coquins à grands coups de coussins et de polochons avant qu'essoufflé, et au bord de l'asphyxie, jouant les vaincus, elle ne se sente obligée de le ranimer. Réanimation revigorante qui les entrainait à s'essouffler ensemble dans la plus belle des danses. Du rire a l'évocation des sentiments les plus doux, ou des pires  tous les emmenait à consommer au final  l'amour sans modération.    

 

Un soir où elle rentra visiblement contrariée une longue, très longue discussion s’ouvrit sur le métier de comédien.

- Tu ne travailles pas conclut-il ! Tu joues. C’est quand même extraordinaire de gagner sa vie en jouant. Et le pire ; mieux tu joues plus tu t’amuses… plus tu t’amuses plus tu es bonne, plus tu es bonne plus ta cote monte, plus elle monte plus tu gagnes d’argent… Est-ce moral ? C’est presque condamnable une situation pareille. Tu sais ce que tu risques

- Non ?!

Mais ce non contenu vibrait déjà de la montée d’un rire en fond de gorge.

- Tu risques la peine suprême ! lui affirme-t-il en mimant avec ses mains, la langue tirée, les yeux exorbités, la lame de la guillotine s’approchant de son cou.   

- Non !... répondit-elle en simulant la peur.

Alors il lui débita, comme Fernandel dans le Schpountz,  toutes sortes de  versions plus fantaisistes les unes que les autres, qui n’avaient le plus souvent rien à voir avec celles écrites par Marcel Pagnol de : «Tout condamné à mort aura la tête tranché».

Et comme elle riait encore et encore emportée dans son élan de plus en plus et de plus en plus  fort de réplique en réplique ;  il enchaina  en imitant Louis Jouvet par :

- C’est bizarre madame, particulièrement bizarre…Mais puisque je vois madame, que vous n’êtes pas  sensible à  la manière dont Zip ! On zigouille les condamnés. Parlons du rire, oui ! Parlons-en.

 

Et c’est avec la voix d’Yves Montant, qu’il improvisa des tirades du nez devenues les tirades du rire.

- Si j’avais un tel rire madame, il faudrait sur le champ que je me l’amputasse… Hé ! hé ! Clic ! Clic ! Ho ! Tu rigoles ou tu t’estramasses ?

 Et passant du Schpountz à Cyrano il passait du rire au rire et les soucis du quotidien passaient aux oubliettes.

 

 Elle était amoureuse. Follement amoureuse. Quand elle le regardait ses yeux n’éclairaient pas seulement son visage ; ils projetaient des  « Je t’aime » et  des « Je l’aime » comme si elle avait voulu que la terre entière le sache.

 

Un soir d’hiver plus froid que les autres, dans une maison de campagne prêtée par des amis pour le week-end ; après une après-midi de balades en forêt de Maisons-Laffitte, blottie dans ses bras et tous deux alanguis  sur un grand tapis face à la lumière rougissante d’un feu de bois qui crépitait dans la cheminée et dessinait sur leurs visages un étrange masque de guerre, il lui confirma ce qu’il ne lui avait jamais caché :

- Un jour je partirai.

- Je sais !

Ce soir-là, plus que les quelques rares autres fois où ils avaient abordé le sujet un trouble s’installa. Un trouble qu’elle contourna en parlant sur un ton presque détaché. 

- Le plus tard possible. J’ai appliqué ton concept : Vivre aujourd’hui sans penser à demain. Ça parait facile… et puis avec le temps, c’est terrible. Et terriblement difficile à concevoir.

- On s’attache. On a peur de ce demain sans l’autre.

- Exactement ! Et moi je n’arrive pas à vivre sans me projeter dans l’avenir…

- Sans moi ?

- Et toi tu peux ?

- Sans toi ?

- Oui sans moi ?

-…..Non ! Mais  Un jour il faudra…. Et un jour je partirai, la vie continuera … et tu m’oublieras

- Ca, ça m’étonnerait… Et toi tu m’oublieras ?

- Jamais ! … Mais moi j’aurais été l’amant d’une star ça ne s’oublie pas.

PICT0016 - Copie.JPG- Salaud !

Ce salaud, qu’elle répéta en riant à pleine gorge tout en le poussant sur le tapis  en feignant de le battre avant qu’il ne se saisisse de ses poignets et roulent l’un sur l’autre ; ce salaud se transforma très vite en : « Mon amour »  avant qu’elle hurle puis murmure un chapelet de:  

- Je t’aime !... je t’aime ! Je t’aime ! » je savais même pas qu’on pouvait aimer comme ça !?   

 
 
En continu ou par intermittence leur relation dura presque une année. Et puis peu à peu, pas à pas, les visites s’espacèrent. Lentement très lentement sans heurts ni accros il prit des distances. Ses voyages ou ses absences quels qu'en soient les motifs devinrent plus fréquents.

 

- Souffrir. C’est certainement le verbe que j’ai le plus conjugué avec le cœur, le corps, l’esprit. Par l’absence ou le silence, de l’injure à l’humiliation, par erreur ou par mépris, du froid ou du chaud, en surface ou cruellement en profondeur… Dans ma chair et jusqu’à l’irracontable. J’ai même appris à souffrir pour garder la tête droite et me relever.

 

Parce qu’il savait ce  que souffrir voulait  dire; qu’il aurait pu le décliner sous toutes ses formes et le conjuguer à tous les temps Il ne voulait,  ni la faire ni la voir souffrir.

Et sa dernière déclaration jetée comme une bouteille à la mer résonnait en écho :

- Je t’aime !... je t’aime ! Je t’aime ! » Je savais même pas qu’on pouvait aimer comme ça !?  

   

Qui souffre le plus ? Celui qui reste ou celui qui part ? Un matin en se réveillant,  elle savait que son lit resterait froid et la place vide.

Ainsi Va la Vie

 

(A suivre…)

 

Williams Franceschi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

    

 

 

 

   

 

 

 

 



21/09/2018
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