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Ainsi va la vie... épisode n°130.. Un MATIN.

23319004_1935821746734741_2201300920793975615_n.jpg6h45. Sous un ciel bas et lourd le jour se lève à peine et le soleil timide sur l’horizon hésite à éclairer la plaine et les rues de la ville.

 

En d’autres temps,  les mains rivées sur son volant, l’esprit encore embrumé par un sommeil trop court, bercée par les infos distillées par son autoradio, elle roulerait vers son boulot. Au premier ralentissement elle masquerait sa bouche ouverte en rond et le soupir d’un bâillement de la paume de sa main, tout en  pensant à ce qu’elle aurait bien pu oublier en partant. Ensuite,  la route et les abords défileraient sans qu’elle n’y prête attention. Sans même que les couleurs flamboyantes de l’automne ne la distraient le moins du monde.

Et puis, un peu plus tard, elle penserait à lui; ressentant à travers leur osmose permanente, qu’il pense à elle, au même instant dans la même seconde. Elle aurait à la fois besoin de s’en éloigner pour vivre et respirer et une seule hâte le retrouver.

 

En d’autres temps plus reculés à la même heure, elle attendrait un bus, un train ou un métro  pour un  parcours différent vers des cours ou un autre employeur. Et à une autre époque encore, toujours à cette même heure; elle réveillerait les enfants.

 

 En d’autres temps… en d’autres temps...

 

Mais aujourd’hui elle est seule. Seule dans un appartement où elle pense avoir presque trouvé équilibre et repères. Seule dans cette aube montante qu’elle aimerait voir devenir l’aube d’une nouvelle vie. Seule à faire semblant de croire qu’elle s’habitue.  

 

Toujours 6h45 heures, toujours un matin ; les années  passent, les temps changent. Ensoleillés, froids ou pluvieux les matins se ressemblent ; seule la suite diffère.

 

Une tasse de café fumante au bord des lèvres qu’elle tourne mécaniquement dès qu’elle l’éloigne de sa bouche, le regard dans le vague, l’esprit vide, elle regarde par la fenêtre ce jour qui comme elle peine à faire surface.

 

Une douche, un brin de  toilette, un coup de brosse pour démêler ses cheveux qu’elle plaque en arrière et enfin, arrêt sur image. Elle s’observe dans le miroir. Elle tire  sur ses joues du plat de ses mains en les remontant vers les oreilles. Cet avant-gout de lifting exagéré lui confère un masque lisse sans ride mais sans âme. Elle applique le même traitement à ses paupières et obtient le même résultat fantomatique. Elle se sourit en déformant sa bouche dans tous les sens  pour observer ses dents. Sur ce plan au moins et pour la partie la plus visible, elle est presque satisfaite. Alors, semblant s’adresser à une autre elle-même prisonnière du miroir, elle lui fait une grimace comme si elle lui jetait un sort couleur humour sans intention d’aller au bout de sa fausse moquerie.

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Après la salle de bain, nue sous son peignoir, elle erre dans l’appartement. Passant de la cuisine au salon et du salon à la chambre. Chambre dont elle referme la fenêtre qu’elle avait grande ouverte pour aérer la pièce en prenant soin préalablement, moins par décence que par pudeur, d’ajuster le croisement des deux pans de sa robe de chambre et d’en resserrer fermement la ceinture.

 Cette sortie de bain ajustée, en suivant sa silhouette d’un mouvement tout à la fois flou, fluide et près du corps ; rehausse les courbes généreuses  de sa poitrine  et par contraste lui redessine la taille fine qu’elle a eu plus fine encore et aimerait retrouver.

 

 Calme et sans raison, elle laisse sa main glisser à la base de son cou. Ses doigts lui caresser la peau dans un subtil effleurement. La chaleur de sa paume lui protègerait-elle la gorge ? Ce geste inconscient la sécurise-t-elle ou compense-t-il l’absence ? L’absence du poids d’une main plus lourde, moins douce en apparence et tout aussi chaude  entre la nuque et son épaule.     

 

Elle écarte les rideaux, tire les voilages,  soulève et repose quelques  vêtements jetés nonchalamment la veille sur une chaise, hésite puis se décide dans un soubresaut décisif à  ouvrir la penderie. D’un geste vif elle y écarte des pans de robes et de pantalons, fait glisser quelques cintres dans un crissement suraigu qui l’oblige à froncer des paupières et à grimacer sa douleur auditive.

 Insatisfaite elle s’éloigne,  récupère un roman d’Evelyne Dress posé sur la table de nuit, règle précisément le marque-page face à la page  abandonnée à regret la veille  et  quitte la pièce sans refermer les portes de l’armoire avant de retourner à son poste d’observation derrière les carreaux de  la fenêtre du salon d’où elle constate qu’il pleut.

 

Une pluie fine et légère. Une pluie qui en  déposant son voile  contraste  le paysage qui l’entoure et  fonce d’un ton les couleurs de toutes choses.

A la vue de cette eau imprévue, venue de là-haut comme de l’au-delà,  glissant en nappe vaporeuses poussées par le vent;  elle retourne dans la chambre récupérer son imperméable qu’elle suspend par précaution au porte-manteau de l’entrée à côté de son parapluie.

 En l’accrochant à la patère, avec son cintre pour ne pas le déformer, elle se souvint qu’il  aimait ce trenchcoat qui lui donnait un petit côté inspecteur de police de séries noire au féminin, sans parler de l’image sexy qu’il véhiculait et qu’elle portait avec un charme et un érotisme  envoutant.  

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En d’autre temps, elle se levait plus tôt encore. Bien avant cette aube naissante. Et  ce petit matin  se déroulait sur un rythme accéléré, sans stress mais pressé  et ne laissait, peut-être à cause de sa vitesse, que quelques bribes d’images dans sa mémoire. Elle s’activait sur un parcours millimétré, obligatoire et sans faits marquants sinon la routine.

 

 Désormais, ce début de journée qu’elle entame au moins une heure plus tard s’égrène lentement. Pourtant, comme un rituel sacro-saint, elle y effectue les mêmes mouvements, les mêmes gestes, y déroule les même habitudes qu’avant.  Les mêmes gestes en prenant le temps de prendre le temps. A moins que ce soit le temps qui s’écoule différemment. Dans ce nouvel univers pourtant identique et si diffèrent ; elle  prend le temps de se regarder bouger, vivre évoluer et positive sur sa condition pour éviter d’en souffrir.

 

-Presque comme tout le monde. se répète-elle d’un air rassurant. Elle aura  connu tant de vies. Tant de vies en une seule où se sont côtoyés, croisés ou frôlés ;  le bon et le mauvais, le pire et le meilleur, le noble et le vulgaire, le riche et le miséreux, ensemble ou distinctement, à quelques jours d’intervalles ou des années durant. « Presque comme tout le monde ».

 

Dans le pire c’est l’humiliation et la trahison qui l’auront le plus marquée. Marquée comme au fer rouge de blessures devenues cicatrices indélébiles.

Dans le meilleur ; ses enfants au-dessus de tout. Même si dans cette relation si simple et si compliquée elle n’ose plus être elle-même. Qu'elle mesure le moindre mot, le moindre conseil, le moindre rappel à sa propre expérience. Les temps ont tellement et si peu changés.

Cette relation sanguine, à fleur de peau où elle devine avant qu’ils ne parlent. Où elle sait et s’inquiète avant qu’ils n’exposent et surtout quand ils ne disent rien.

Certains silences parlent tellement forts aux oreilles d’une mère.  Souvent elle pourrait  rire ou pleurer  de leurs problèmes réellement graves mais qu’ils minimisent et à contrario  si futiles et qu’ils dramatisent… Problèmes courants qu’ils découvrent et qu’elle a évidemment déjà croisés, connus, réglés ou enterrés. Quoi de plus dur que de se taire quand on sait ?

 

Ha ! Les enfants avec leurs hauts et leurs  bas. Ses enfants qui savent et ont su l’éblouir ou la décevoir. Ses enfants loin, trop loin. Et son amour pour eux, amour immense et toujours au-dessus de tout.

 

Et l’amour, l’autre? le charnel, le sentimental, avec le cœur, avec le corps?… Elle y pense.  Elle pense à ceux qui... Il n’y en a pas eu pléthore. Elle les a aimés, différemment, éperdument et la vie s’est montrée redoutable, injuste et cruelle.

 

 Elle n’a pas l’impression d’avoir gâché quoi que ce soit, d’avoir commis d’erreurs irréparables… juste de ne pas avoir eu de chance. La chance.

Il lui arrive souvent de faire le point. De  s’interroger à haute voix.  D’en sourire pour ne plus en pleurer.

 

Elle pense souvent au dernier. Un amour impossible comme souvent les plus grands amours.  Certainement celui auquel elle a cru le moins, surtout au début et pourtant le plus pur. Et maintenant qu’il est loin… 

Il n'était pas son type d'homme elle n'était pas sont type de femme une rencontre improbable. Le hasard comme toujours. Elle ne savait pas ce qui en lui l'avait attiré. Pourquoi  lui avait-elle cédé pourquoi? Pour lui un coup de foudre. Elle n'y avait pas cru. Elle ne se PICT0016 - Copie.JPGplaisait pas elle ne s'était jamais plu et lui, lui la trouvait belle. Il lui avait parlé de son charme. Le charme ce plus impalpable qui fait toute la différence. Et puis il y eu sa présence, sa bienveillance, leurs longues discussions, ses attentions contentes et puis leur amour physique. Le sexe entre eux ce n'était plus le sexe mais le sommet de l'Amour. Pour tous les deux, chaque fois, un  beau, grand un fabuleux voyage. Aimer un homme et en avoir envie…Comme si les rôles et les habitudes homme femmes encrés depuis une éternité   s'étaient inversés.

 

  Oui peu a peu elle avait fini par l'aimer sans oser se l'avouer. Elle  rejetait même ce sentiment qui lui faisait peur. Lui en était amoureux. Et la différence entre aimer et être amoureux n'est pas un détail anodin.

Aujourd'hui; en silence elle l’aime encore, dans l’ombre il l’aime toujours…  Maintenant qu’ils sont loin.

 

 Vivre à deux, en couple ; elle n’est pas sûre d’en avoir encore envie. « Pas envie, pas sûre » ses propos la font sourire… Consciente que le choix et les opportunités ne se bousculent pas au portillon. Elle se dit que si elle rencontrait quelqu’un elle voudrait partager les plaisirs et les joies pas les contraintes. Elle se dit tant de choses en attendant que son masque de beauté tire, que  les rondelles de concombres qu’elle s’est rajoutée sur les paupières en tombent de rire.      

 

Aujourd’hui, à la fin de son parcours matinal quotidien en regardant au loin par la fenêtre s’effilocher l’aube dans la clarté du jour elle pense au crépuscule. Son crépuscule. Elle voudrait le voir aussi beau et romantique que ces soleils couchants sur la mer. Aussi beau et romantique et n’y être qu’une ombre en contre-jour rougissant,  blottie dans les bras d’un rêve, qu'elle n'oublie pas, à la voix douce et apaisante ; pour regarder l’horizon ensemble jusqu’au bout de la nuit.

 

Ainsi Va la Vie…

(A suivre…)

 

 

 

Williams Franceschi



12/10/2018
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