En quelques mots... extrait de : La SECRETAIRE.
La Secrétaire.
– Votre salade est… Humm… j’ai pas les mots. Pourtant… Pourtant des salades de chèvre chaud… j’en ai mangées plus que vous n’en mangerez peut-être jamais. Même celle d’Alain Ducasse. C’est vous dire. Mais celle-là!... En plus, vous ne le savez surement pas, ou du moins ça m’étonnerait, c’est un de mes plats préférés.
En retour, son regard pétillant, lui confirma qu’évidemment, elle le savait.
– Mais, comment vous avez fait pour préparer tout ça en si peu de temps ?
– Secret de femme.
La salade savourée en silence, juste rythmé par le tempo du craquant des croutons, Kathleen se leva pour débarrasser. D’une main bracelet, douce et ferme à la fois, il lui menotta le poignet, et sur un : « Laissez ! Je m’en occupe », desservit les assiettes à salade.
Contacts de peaux, échanges de regards, acceptations en balayage de cils, précédèrent le retour de Kathleen face à la plaque de cuisson où sa poêle, chargée de spaghettis chinois sauce soja mode Kathleen, ne demandaient plus que quelques infimes tours de chauffe.
– Y’a plus qu’à faire réchauffer ? Lui siffla-il au creux de l’oreille tout en enrobant, avant de l’oublier, la paume chaude de sa main, entre son cou et son épaule, que le col évasé de sa robe avait laissé dénudée.
Ce deuxième contact tactile, en moins de quelques secondes, s’il ne l’avait pas fait sursauter à l’atterrissage, lui entraina un vif emballement cardiaque. Cette main sur sa peau nue, rajoutée à la douce chaleur de ce souffle caressant comme les poils d’un pinceau de soie au fil des mots murmurés, aviva des frissons loin d’être légers.
Peu à peu, la force et la présence de cette main, à l’appui tendre et viril, l’irradia avec la sensation qu’un faisceau de lumière lui traversait le corps en diagonale. Un faisceau tout en luminescence, à la chaleur dense, douce, brulante et pourtant, si agréablement supportable.
Elle voulut, comme une réaction reflexe, focaliser son esprit sur sa poêle, une pâte, un petit pois, quelque chose, une image, pour s’échapper de ce trop d’émotions inattendu, irréel et limite violent. Et en même temps, lovée dans son cocon, surtout ne pas bouger, ne rien changer, ne pas en sortir.
Et alors que tout semblait flotter dans un cosmos sidéral d’un autre monde, pour comble de l’imprévu ; ses mains se mirent à trembler. Leger au début, le tremblement s’accentua très vite. Elle masqua cet effet inconfortable et invalidant, en tournant plus rapidement sa cuillère en bois autour de ses pates et puis, le tremblement, par ruissèlements, s’infiltra dans ses jambes… En panique ou en bonheur, face à un corps qui répond plus vite et plus précisément que l’esprit ; elle ressentit une envie. Une folle envie monter crescendo. Et Maintenant que cette envie avait atteint son paroxysme, saurait-elle encore la maitriser ?
Cette folle envie la poussait à tout poser en vrac, à se retourner, à prendre son visage à deux mains et à l’embrasser. L’embrasser à pleine bouche.
Ho qu’elle les voyait belles ses lèvres. Même en fermant les yeux, elle les voyait belles…aux lignes fines, ciselées et pulpeuses, en nuances de vermillon. On était loin des premiers petits frissons. Et proportionnellement elle n’imaginait pas un simple premier petit bisou ridicule.
Et ce besoin presque animal de le violer avec la bouche, lui rappelait que si son corps brulait jusqu’à perler d’une fine couche de transpiration qui lui filmait la peau, sa flore, sa flore la plus intime, s’était trempée.
– Je suis folle…
Pas le temps de réfléchir. Elle souleva sa cuillère, prête à s’en déb…. Mais ! Mais avant, juste quelques millisecondes avant, qu’elle n’accomplisse son demi-tour vers son action prémédité, il retira sa main, et d’un pas souple, retourna s’assoir.
L’espoir et la tentation, venaient de retomber comme un soufflé. Entre l’arrêt net sur image, la bouche mi- ouverte au temps de réaction zéro, et celui du redémarrage de la bobine avant d’en accuser le coup ; il s’écoula moins de deux minutes. Deux minuscules ou interminables minutes. Soit pile, le temps de chauffe encore nécessaire aux pates, avant que les jambes en Chamallow et les mains tremblantes, sans prendre soins d’éteindre la plaque chauffante, sa poêle dans une main et sa cuillère dans l’autre, elle ne le rejoigne et ne partage ses spaghettis à parts égales, en les glissant dans chaque assiette.
Ce n’est qu’en ramenant la poêle vide vers l’évier avant de s’attabler, que sur un « Meeerde ! » de remord, qui claqua dans sa tête, elle prit conscience du manque de finesse de son service de cantinière. Pourquoi n’avait-elle pas remplir les assiettes sur le plan de travail avant de les servir ? Trop tard. La bêtise était faite. Bêtise à ses yeux. Car lui, sourire aux lèvres, humait la couleur des arômes dans les vapeurs montantes, sans se préoccuper le moins du monde, ni chercher à se souvenir, de la manière par laquelle ses jolies pates chinoises au parfum de soja avaient atterri sous son nez, ses yeux et sa fourchette.
Face à face dans un silence quasi religieux à peine troublé par l’infime crissement des pointes de leurs fourchettes s’enroulant en cercle autour des pâtes jaunes orangé auréolées des teintes ambrées de la sauce, aux allures, à cette échelle ; de mini-cordages ; lui, se demandait : Pourquoi il avait posé sa main au creux de son épaule ? Surtout sur sa peau nue ? Et elle, pourquoi il l’avait retirée ? Lui, se demandait : Qu’est-ce qui avait bien pu le pousser à une telle familiarité ? Et elle, pourquoi elle n’avait pas simplement retenue cette main magique en posant la sienne par-dessus ?
Les quatre petites jambes effilées de leurs fourchettes poursuivirent leurs danses au bout de leurs doigts comme des marionnettes jusqu’au dernier spaghetti. Sauf deux inflexibles spaghettis rebelles et solitaires. Un dans chaque assiette, resté en suspens, qu’ils aspirèrent simultanément, chacun de leur côté, dans un même zlupp ! en chœur, qui les tira du silence pour les entrainer vers un sourire miroir, amusé et gêné.
– Heureusement qu’on ne mange pas dans la même assiette.
– Pourquoi heureusement ?
–….
– Vous avez pensé à la même chose que moi ?
– Evidement Kathleen ! Vous êtes la Belle et je suis le clochard…
– Un prince mon clochard !
– Un prince ? Il a des heures de vol le prince.
– Et la belle, du plomb dans l’aile ! La belle.
– C’est pas visible.
– C’est caché sous les plumes.
Leurs regards lumineux se fixèrent. Vifs, tendres et plein de : «si vous saviez ? ». Mais avant qu’une tension mélancolique ne s’installe, Kathleen se leva en frappant dans ses mains, signal que l’on passait à autre chose, puis sur un flash se souvint :
– Ho ! J’ai oublié d’éteindre la plaque.
– C’est pas grave, elle s’éteint toute seule quand y’a plus de contacts.
– C’est vrai… j’aurais dû m’en souvenir. Y’a plein de choses qui s’éteignent quand y’a plus de contacts.
C'est juste un petit extrait.... A plus!
Williams
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