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Ainsi va la vie… épisode n°63… Une LARME …( Qu’est-ce qui se cache dans une larme ?)


 

DSC_6188-3 - Copie.jpgUn vent léger adoucit par sa caresse une  température difficilement supportable à tout juste 10 heures du matin.  A la terrasse du café où je me rafraichis tout en gribouillant quelques notes, une femme sans âge, simplement parce que je n’ai aucun talent pour lui en donner un, assise  dans mon angle de vision  a commandé un café et un verre d’eau. Elle  s’accoude à sa table, cale sa joue dans la paume de sa main et fixe tantôt la rue tantôt, le plus souvent, le contenu de sa tasse qu’elle tourne mécaniquement sans y avoir versé le contenu du sachet de sucre qu’elle a déposé ouvert dans sa sous-tasse.  Tout aussi mécaniquement qu’elle tournait son express, elle sort un portable de son sac et le pose délicatement,  du bout des doigts, à plat sur la table  face à elle, puis remonte ses lunettes devenues serre-tête et diadème improvisé.

 

Son visage est à la fois doux, calme mais fermé. Et puis...Lentement, comme une perle d’aquarelle  bleue nuit, une larme chargée de rimmel roule sur sa joue. Elle laisse dans son sillage une longue trainée noire. En penchant sa tête en avant pour dissimuler son visage derrière ses cheveux elle en dévie la trajectoire. La larme, freinée dans sa course, passe par-dessus sa pommette comme si elle franchissait une dune puis ne roule plus mais glisse en déversant son contenu  d’eau salée et de tristesse jusqu’à la commissure de ses lèvres.

D’un geste précis, la femme, que je définis maintenant avec plus d’acuité dans le temps, s’essuie puis peaufine son débarbouillage  d’un revers de main avant de sortir un kleenex. Enfin elle secoue ses cheveux comme si elle refaisait surface après une longue pénétration en eau profonde.

 

Fallait-il que l’évènement soit d’importance pour  qu’elle craque  et s’épanche ainsi seule au milieu de tant de monde. D’ailleurs, à part moi qui l’a vue ? Qui s’intéresse à son voisin d’en face ?

 

Quelques heures auparavant, elle avait pris soin de s’apprêter, de se maquiller, de se faire belle… Par habitude ou peut-être pour ne rien laissé paraitre de son état d’esprit. Pour laisser croire que tout allait bien. Et puis tout à coup ; seule comme si elle était à l’abri des regards indiscrets, sauf du mien, mais elle l’ignorait ;  elle craque ! Que s’était-il passé ? Quelle en est la raison ? Secret !

J’ignore pourquoi,  j’ai le sentiment de deviner. Il y a mille façons de pleurer et les expressions qui parcourent les mains, le visage, les yeux, la bouche et le reste du corps  ne sont pas exactement les mêmes si l’on vient de perdre un être cher, si votre fils a fait une bêtise, si le boulot vous obsède, si vous vivez un chagrin, si vous mourrez de solitude… et que sais-je encore.

Son portable vibre, elle s’en saisit et décroche. J’entends malgré moi ses réponses et il ne m’est pas vraiment difficile d’imaginer les questions ou les affirmations  de son interlocuteur.

- ……

- Bonjour, oui ça va

- …….

- Non c’est juste le pollen qui me prends à la gorge et qui change un peu ma voix

- ……

- Non, je le vois plus …

- ….

- Pas pour l’instant

- …..

- Mais je m’en fous… enfin je m’en fous pas mais si les choses doivent se faire…

- ……

- Quand tu veux…

 

Le reste de la conversation, qui ne dura tout au plus que trois ou quatre minutes fut rempli de banalités d’usage. Si les premiers mots me confirmaient ce que je subodorais je n’en déduisais pas trop vite que les larmes qui avaient coulé n’étaient que le fruit d’une séparation difficile malgré la nonchalance de ses propos pour minimiser les dégâts.

 

Non, j’aurais plutôt opté pour un trop plein de solitude. Et la rupture qu’elle venait d’évoquer en ombre chinoise par téléphone avec une personne dont elle n’avait pas prononcé le prénom, rajoutait une couche aux couches précédentes et devait être la goutte qui avait fait déborder les larmes. Ce n’est qu’une déduction.

 

Pendant un court instant j’ai failli m’approcher d’elle pour lui parler. Mais j’ai, et c’est peut-être stupide, trouvé l’idée de ma démarche un rien saugrenue même s’il est souvent plus facile de se confier à un inconnu qu’à ses proches.

La solitude n’est pas une fatalité mais dans notre monde hyper connecté, elle donne un sentiment d’impuissance.

 

Dans son cas que s’est-il passé ? A partir de quelle page le roman a-t-il mal tourné ?

 

Il était l’heure que je quitte cette terrasse dont les brumisateurs s’ils avaient rafraichi l’air ambiant commençaient dans leurs déréglages à tremper mon tee-shirt. J’appelais le garçon pour lui régler ma consommation et lui demander à l’oreille de resservir un café à la dame d’en face sans surtout lui indiquer de qui venait cette commande cadeau.

 

 Involontairement avec ses larmes la dame d’en face était devenue la principale actrice de ma chronique ça méritait bien une boisson au minimum. Et puis je me suis dit que pendant les quelques secondes où elle allait interroger le serveur sur l’origine de cette minuscule offrande, pendant les quelques minutes où elle s’interrogerait elle-même ; il y aurait un petit effet magique. Elle ne penserait plus aux raisons qui ont fait couler ses perles de tristesse le long de ses joues.

 

PROLOGUE

 

Tout en m’éloignant de la terrasse pour éviter d'être suspecté, j’imaginais ou je revivais un prologue qui aurait pu être le sien.

Un matin, tandis qu’une douce lumière, à travers les voiles de larges rideaux irradiera progressivement  une chambre par son infinie  douceur ; une chambre encore nappée des odeurs de l’amour, odeurs qui deviennent un parfum quand l’amour est passionnel. Le parfum de l’amour, ce parfum si particulier qui  s’imprègne   pendant et subsiste après. Un homme, l’homme qu’elle aime ; allongé à côté d’elle la tiendra lovée contre sa poitrine. Et puis en cherchant ses lèvres il s’apercevra qu’une larme, comme une perle de rosée sauvage et pure, roule sur sa joue.  Il  lui demandera surpris, l’air inquiet mais  d’une voix maitrisée et calme :

 

-Pourquoi tu pleures ? »

Alors, en se blottissant encore plus fort contre sa peau et son corps pour en chercher la protection, les yeux embués mais le sourire naissant au bord des lèvres: elle lui répondra :

- Pour rien…

- Mais ?....

-Parce que je suis heureuse… Tout simplement heureuse

 

Ainsi va la vie

 

Williams Franceschi

 

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24/06/2017
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