Articles et chroniques

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Ainsi Va la Vie… Episode n°287 …Je ne suis pas amoureuse !

 

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Seul l’écho feutré de leurs pas fissurait le silence ambiant.
Pas un mot. Pas un mot même banal  pour entacher ce silence presque lourd, sinon le ronron lointain et sourd des bruits en suspension  dans l’air venus de la ville. Des bruits ouateux que couvrait le souffle de leurs respirations en recherche d’oxygène. Un silence à murer les  pensées quand on ne veut  pas en sortir. Et par moment, un silence presque absolu, si ce n’était le grincement d’un volet battant au vent ou le miaulement d’un chat invisible. Un miaulement perdu par les ruelles étroites et presque désertes de cette cité médiévale où les pierres jalonnaient le sol et dressaient les murs en forteresse

 

Ils marchaient d’un pas ferme et pressé pour rejoindre leur voiture garée tout près à l’aller, et au diable Vauvert au retour, tant le chemin leur paraissait long sous cette chaleur harassante. La transpiration n’auréolait plus le dessous de leurs aisselles. Elle avait maintenant totalement trempé leurs tee-shirts, clean, cool, chics et hors mode, les transformant en lourdes serpillères informes.

 

Sam hésita un court instant à carrément retirer le sien. Et puis, si l’hypothèse de se sentir plus léger l’enchantait, celle de terminer sa route torse nu en pleine ville, aussi déserte fût-elle dans cette partie peu fréquentée, lui parut clairement indécente et empêcha son effeuillage, même succinct, et de faire ce qu’il n’aurait pas hésité à faire vingt ou trente ans plus tôt. Cette constatation sur les divers agissements en fonction de l’âge, lui dessina un sourire furtif, empreint d’une certaine autodérision, qu’il s’adressa  en levant les yeux au ciel. Et oui,  la distance creusée avec la  jeunesse ne se mesure pas seulement en rides apparentes.

 

Le sel de cette sueur, qui perlait à grosses gouttes sur leurs visages s’immisça par ces rides, dites d’expressions, jusqu’à leurs yeux. Sam essaya de s’essuyer d’un revers de  tee-shirt, ce qui ne fit que rajouter du sel au sel et attiser les brulures qui se propageaient maintenant aux creux des paupières. Les deux copains, qui venaient d’effectuer les mêmes gestes en même temps dans une simultanéité de duo de nage synchronisée, éclatèrent de rire. Et dans une concertation réduite à des regards, décidèrent d’entrer dans le premier  café en vue où la clim les soulagea jusqu’à de légers frissons de froid.

 

Sans choisir, ils s’assirent sur les premiers fauteuils qui leur tendaient généreusement leurs accoudoirs, avant, à tour de rôle , de se rendre aux toilettes, plus pour se rincer le visage et les bras, et  s’éponger à grands coups de papier, prévu pour les mains, que pour satisfaire un besoin naturel.

 

La commande passée, Sam, le regard dans le vague, ne sortit pas de son mutisme.

– Sam ! Ça va pas ?

– Si si … Sa réponse en sursaut, sembla émerger d’un sommeil profond mais armée en protection d’un sourire forcé. Un sourire qui aurait voulu maladroitement cacher la réalité de ses pensées.

– T’es pas loquace !

– Heu !... je sais ! Excuse-moi. J’étais ailleurs.

– J’ai vu. Et tu reviens de cet ailleurs ou tu restes dans tes songes.

– Je reviens … je reviens.

– T’as des soucis ?... Ta santé?...T’es amoureux ?

Sam souleva son regard sans soulever sa tête de dessus son verre comme si la réponse, avait, à sa grande surprise, partiellement été formulée dans la question.

– Pourquoi tu me demandes ça ?

– Parce qu’en ce moment, et particulièrement aujourd’hui, tu marches à coté de tes godasses.

– NOoooon !

– Siiiiiiiiii !

– A bon ?

– Et elle s’appelle comment ? Je la connais ?

Sam lui renvoya en réponse le même regard par en dessous.

– Bon…tu ne veux pas me mettre dans la confidence ?

– Mais non… enfin si !  C’est plus compliqué que ça. Et puis je t’en ai déjà parlé.

– Ha bon?… c’est toujours la même ?

Sam se contenta de boire calmement une gorgée de son diabolo menthe en observant, plus que de raison, la pub imprimée sur le carton de son sous-verre avant de répondre après un long, très long, temps de retard.

– Oui ! C’est toujours la même.

– Mais depuis… je t’ai vu avec…

– C’est pas pareil.

– C’est pas pareil ?

– Non c’est pas pareil !

– Ben des « Pas pareil » comme celle-là… j’en connais beaucoup qui s’en contenteraient.

– Surement. Mais c’est pas pareil.

– Pourquoi c’est pas pareil ?

– Parce que tu ne t’arrêtes qu’au physique.

– Heu ! Et l’autre…Ça compte un peu quand même.

– Bien sûr que ça compte.

– Eh ! D’ailleurs… ton amoureuse, c’est pas vraiment miss Moche.

– Non, j’avoue. Mais c’est pas vraiment miss Monde non plus.

– Et tu t’en fous.

– Complètement ! Mais c’est surtout ; pas mon amoureuse.

– Ha oui ?!C'est vrai!  Là je comprends que ça se complique. Et pourquoi c’est pas ton amoureuse ? Ton amoureuse ?

– Parce qu’il n’y a que moi qui soit amoureux.

– Ha ! Et comment tu le sais ?

– Parce qu’elle me l’a dit !... Elle me l’a même écrit !

– Et tu l’as crue ?

–……

– Donc, elle t’a dit : Je ne suis pas amoureuse de toi ! Lâche-moi les basquets et va voir ailleurs si j’y suis.

– C’est un peu court jeune homme, comme aurait dit Cyrano…Pas vraiment sous cette forme.

– Forme ou pas forme, c’est quand même ce qu’elle t’a dit ?!

– Si tu veux !

– T’as pris un râteau, et ça t’a vexé !

– Et non !

– Et non?...C’est pas compliqué ton histoire, c’est hyper compliqué.

– Si elle m’avait dit les choses telles que tu les exposes je n’aurais pas été blessé mais quelque peu déçu.

– Mais ?

– Mais…Elle m’a écrit une lettre. Une très belle et longue lettre, pour m’expliquer pourquoi il ne fallait pas que je sois amoureux d’elle.

– C’est classique ! Et en plus je présume qu’elle a démoli son image pour te convaincre.

– Un peu !

– Sans jamais abimer la tienne !

– Elle aurait pu

– Mais elle ne l’a pas fait.

– Non ! Et ce qui est marrant, c’est que si j’avais été à sa place, j’aurais écrit à peu près la même chose.

– Donc, vous vous ressemblez.

– Beaucoup !

– Elle le sait ?

– Quoi ?

– Que vous vous ressemblez !

– Possible.

– Et si tout simplement; elle avait déjà quelqu’un dans sa vie ?

– Tendre hypothèse.

–  Et toi t’arrives, la gueule enfarinée comme un cheveu dans la soupe.

– C’est possible aussi. Et pour le quelqu’un, je lui souhaite… tout le bonheur du monde.

– Tu lui souhaite ? Mais t’es amoureux ou t’es pas amoureux ?

– Si, je suis très amoureux. Mais qu’on aille ou pas au bout du processus immédiatement, plus tard ou jamais, m’importe peu. Je voulais juste qu’elle sache  la profondeur de mes sentiments.

– En n’espérant malgré tout que les siens…

– Certainement !

– Sauf que …

– C’est pas le cas !

– Et tu regrettes ton tendre aveu.

– Oui! Un peu. Parce que ce n’était pas un coup de foudre. Ça s’est installé lentement, doucement, mais tellement profondément. J’aurais pu continuer à vivre sans me dévoiler.  Et surtout sans lui avouer comme je l’ai fait. En plus c’est idiot, parce que ma vie est tellement compliquée... Et même si elle ne l'était pas,  je ne crois pas pouvoir lui apporter… elle vit à 200 à l’heure et moi j’ai dépassé cette période sur les chapeaux de roues que j’ai bien connue. Aujourd’hui je prends le temps et du recul sur tout. Sur ce plan, on est en total déphasage.

– Sam,  tu connais la différence entre aimer et être amoureux?

– La même qu'entre un lac et un océan.

– Et c'est peu dire...Mais Sam ! Si tout  ce qu’elle t’a écrit n’était que faux prétextes. Si elle pensait exactement le contraire ?

– Je l’aurais senti

– Tu crois ? Et la jolie brune à la table de droite, tu l’as sentie ?

– Quelle jolie brune ?

– Cherche pas, y’en a qu’une. Elle te dévore des yeux depuis qu’on est entré dans le café.

– Elle est très jolie, en effet. Elle porte des lunettes ?

– Non !

– C’est pour ça. Elle a dû les oublier. Elle doit me voir tout flou. Le côté artistique améliore mon image.

– T’es bête ! Elle te regarde… je dirais même qu’elle te mate…

– Mais non ! Elle regarde aussi la pendule.

– Non. C’est ton profil dans le miroir sous la pendule qu’elle regarde.

– N’importe quoi ! Bon, on y va ?

– Et la jolie brune ?

– Mais tu m’as vu ?... Tu l’as vue ?

– Oui!.. et alors ?

– En sortant, va lui dire que je ne suis plus comestible.

 

Sam quitta le café le premier et sous la chape de plomb, attendit quelques instants son acolyte qui le rejoignit tout sourire avant de l’informer.

– Je lui ai dit !

– Non, t’as pas fait ça ?

– Si !

– Et qu’est-ce qu’elle t’a répondu.

– Elle a souri. Et puis elle m’a dit de te dire…

– …de me dire ?

– Peut-être pas comestible… mais très appétissant !

– NOoooon

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– Siiiiiiiiii. Et tu veux que je retourne lui expliquer que tu es amoureux d’une amoureuse qui ne l’est pas de toi ? Mais que tu espères qu’elle sera heureuse quoi qu’il en soit. Et qu’en ce qui la concerne, la jolie brune, tu la trouves très jolie, mais que tu penses qu’elle est miro alors qu’en réalité c’est ton amoureuse qui t’a rendu aveugle… Hé ! Elle est pas chouette cette conclusion ?

– Un peu compliquée.

– Sam ! J’ai appris à l’école, que les choses simples s’énoncent simplement et les choses compliquées…

– Et l’Amour… c’est jamais simple... donc, tu as raison.

 

Ainsi Va la vie...

 

Williams Franceschi

 

 

 

 

 

 

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27/07/2022
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