Articles et chroniques

Articles et chroniques

Balade sous le ciel d’Avignon avec : Dominick Jako

Jako et williams sur couché de soleil avignon copier.jpg

Balade sous le ciel d'Avignon avec:

Dominick Jako

(Animatrice et créatrice de Radio Osmose)

 

Sous un ciel  limpide par une température plus douce que jamais pour un mois de janvier les ruelles médiévales d’Avignon auraient pu être le cadre idéal à cette longue balade. Une jolie Promenade sur fond de carte postale. Mais pour des raisons pratiques  de stationnement,  le rendez-vous fut fixé devant les cinémas de Cap Sud;  moins romantique mais qu’importe. Et qu’importe aussi le restaurant choisi pour sa proximité sans même se préoccuper de  la teneur et du prix de la carte.

 

Son grand pull de laine blanc souple et ample d’inspiration indienne, aux formes dissymétriques agrémentées de discrètes franges, lui donne une allure décontractée tout en préservant le charme d’une certaine classe.

 

Entre la masse blanche de ce grand pull et ses cheveux courts tout aussi blancs, la peau mate de son visage ressort par effet de relief offrant à chacun  de ses sourires, chacune  de ses grimaces, de ces appuis,  une autre force que son regard malin, mutin ou triste, accentue encore.

 

Ce rendez-vous  devait être informel, amical, une rencontre entre deux amoureux de la musique, des chansons, de la radio, de l’écriture… bref rien ne se prêtait a … Mais !... lorsque a peine assis, je sortis un stylo et du papier pour prendre quelque notes, moi qui n’en prend jamais, mais ça faisait partie du scénar pour marquer le coup,  Dominick compris que j’allais mêler l’utile à l’agréable et pour une fois inverser les rôles. La journaliste  deviendrait l’invitée et allait répondre à mes questions. Sauf que le micro serait invisible, que je ne répéterai pas tout aux lecteurs et que je n’écrirai pas une succession de questions-réponses… d’ailleurs je n’écrirais presque rien a par quelques repères.

 

Même si,  l’inversion des rôles l’amusait, la curiosité et une légère déformation professionnelle  la poussa dès les premières secondes à ouvrir le bal et à m’interroger, car malgré la petite enquête qu’elle avait dû faire sur mon compte il lui restait quelques zones d’ombres que j’allais éclairer mais au fil de l’entretien, lentement, progressivement, les meilleures choses ne se dévorent pas ; elles se savourent.

 

Pour la mettre à l’aise, je lâchais du lest et lui racontais succinctement mon cursus et c’est là que la partition que nous jouions chacun sur nos instruments respectifs, par magie, nous transporta devant un même clavier pour la poursuivre  à quatre mains et sur un piano à queue excusez du peu. Nous avions tant de lieux, de personnes et de souvenirs en communs que la confiance fut facile à établir. Le courant passait si bien que  les sujets s’ouvraient tout seul.  Elle me racontait, elle se racontait… Ses premiers pas sur radio Soleil en région parisienne, son bac,  ce désir entravé  de devenir journaliste qui la poussera à partir a 17 ans  pour Londres où elle passera une licence d’anglais. Son retour en France, Evelyne Leclerc qui fut la première interview d’une longue très longue  liste dont certains  la marquèrent plus que d’autres comme Michou, Herbert Léonard, Patrice Laffont pour sa gentillesse, Michel Le Royer pour l’artiste au sens le plus complet et de cette beauté exceptionnelle pour un homme de 84 printemps ou Virginie Lemoine pour sa finesse d’esprit  et sa culture. Dans un ordre qu’on aurait voulu chronologique on évoque les  essais, les emplois et puis cette candidature à Canal Plus qui venait d’ouvrir. Nous nous apercevons que nous  avions posé la même candidature, la même année au même endroit. Elle après avoir fait un stage d’hôtesse et moi après une interview pour RMP et un article pour le magazine Déclic  avec Pierre Lescure. Et tous les deux engagés pour un essai  auquel nous ne nous présenterons pas … Etrange non, autant de similitudes ?

 

Et puis le film de sa vie  passa en noir et blanc avec en fond sonore le cliquetis de la grosse bobine 8mm quand la bande de cellulose perforée glisse sous la lampe du projecteur. Et sur l’écran apparait l’image de son père. L’homme qui ne lui refuse jamais rien,  prêt à tout pour lui faire plaisir. Un peu flambeur, un peu à part, un papa extraordinaire de gentillesse et d’amour qui lui offrira des places au premier rang pour qu’elle puisse approcher à le toucher  son idole Sacha Distel. Et là, à cet instant,  en face de moi les yeux qui me regardent sont les yeux pétillants d’une petite fille encore émerveillée rien qu’à l’évocation de son papa.  L’enfance, les amours, les amis,  la vie, Paris, Avignon,  peu à peu le film retrouve ses couleurs et passe  en super 8 pour terminer en cinémascope…Le présent reprend sur le passé. Le présent c’est son fils Yoan et cet amour encore plus grand et plus fort depuis la maladie.    Au présent elle me parle  avec douceur, hargne, ou tendresse de ce métier qu’elle adore et surtout elle en parle  avec une telle passion  qu’à l’écouter j’en oublie  mon entrecôte jusqu’à ce qu’elle me demande si elle était bonne.  Je n’en savais rien du tout.  J’étais ailleurs.  Et d’un coup je m’aperçois que la viande était trop cuite et  les frites trop grasses car  pour la première fois je pose  vraiment les yeux sur le contenu de mon assiette. Par contre elle,  simultanément, continue à manger délicatement, à parler et à ne pas me quitter  des yeux. Ses yeux qui me découpent en fines rondelles et suivent la moindre ligne le moindre détail de mon visage ou de mon buste. Pour ne pas la déranger dans sa scannérisation haute définition,  je retarde le plus possible le moment de relever la tête et le regard.

 

Elle avait perdu pour des raisons de budget et de subventions, le local qui accueillait  sa radio « Radio Osmose » la meilleure et la plus écoutée d’Avignon et de la région.  Mais ce n’est pas un scoop tout le monde le sais. Et ce matin,  oh !  victoire des amis lui ont proposé un nouveau lieu où elle va pouvoir poser ses micros. Je lis sa satisfaction.  De toute manière elle s’est et se serait battue jusqu’au bout comme d’hab !  Se battre ce n’est pas sa vocation première, ni ce qu’elle aime le plus dans la vie et pourtant…

 

Mieux qu’une battante c’est une combattante. Ce petit bout de femme cache une âme de  guerrière qui ne baisse jamais les bras. La preuve son autre combat contre la maladie.  Elle continue un traitement mais, croisons les doigts son combat contre le cancer, appelons les choses par leurs nom,  semble gagner. C’est le semble qui est le plus redoutable. On sait que dans cette lutte de chaque instant  le moral et la rage de vaincre représente 70% des chances de s’en sortir et je peux vous dire qu’elle y croit. Elle n’a pas tapé du poing sur la table pour conforter sa conviction mais le cœur y était. Elle y croit dur comme fer !

 

Sous ce ciel qui commence à perdre en luminosité nous poursuivons notre discussion en marchant avant de nous séparer…ou de préparer notre séparation.  Mais l’un comme l’autre avons l’impression que le départ et la rupture après ce partage devient difficile… Elle m’invite à  boire un dernier verre dans la galerie… nous parlons depuis presque quatre heures et elle me demande si je connais tel ou tel artiste et puis insiste sur un nom : Ian Dayeur.  Il faudrait en parler… Elle pense aux autres plus qu’a elle-même. Elle est infiniment généreuse, elle aime les artistes et ça se ressent, certainement  parce qu’elle est à l’évidence,  elle-même une artiste. Et une artiste de talent. Ce fut une très jolie balade…. Merci Dominick

 

Williams Franceschi

   

      

.   



07/01/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 194 autres membres